FRESQUES ET PEINTURES MURALES DANS LE VENDOMOIS
LAVARDIN
Blotti dans une boucle du Loir et Cher, entre Montoire et Vendôme, Lavardin semble veillé sur un château fort, dont les ruines pittoresques évoquent l'époque du romantisme. Accroché à un côteau crayeux dominant la vallée du Loir, le château de Lavardin semble avoir existé depuis une éternité.
Un pont gothique enjamble le Loir pour accéder à ce village médiéval blotti au pied du château qui résista à l'assaut de Richard Coeur de Lion mais fut pris par les troupes d'Henri IV, et au pied de ce château se trouve l'église de Saint Genest de Lavardin.
C'est à pied qu'il faut vous approcher de ce chef d'oeuvre remarquable, prenez cette route fleurie, elle mène presque au paradis.
Il faut faitre patiemment le tour de cette église et chercher les pierres sculptées incluses dans la construction, il s'agit probablement de remplois des précédentes églises mérovingiennes et carolingiennes, notamment des figurines ou le curieux serpent du mur nord.
Le prieuré de Saint Genest appartenait à la dotation accordée par Agnès de Bourgogne et Geoffroy Martel en 1031 à la Collègiale Saint Georges de Vendôme, l'église se singularise par un clocher-porche aux baies romanes en partie murées
Notre historien nous indique que ce matin c'était très beau, mais cet après midi c'est exceptionnel, on brûle d'impatience d'ouvrir la porte et découvir, entrons sans plus attendre :
Dans le choeur, le Christ en majesté dans une mandorle, est entouré du tétramorphe : l'ange est presque totalement effacé.
Mandorle : motif ornemental ovale ou en amande encadrant le Christ en majesté
Tétramorphe: symboles groupés des quatre évangélistes entourant le Christ en majesté : l'aigle de saint jean, le lion de Saint Marc, le taureau de Saint Luc, l'homme ailé de Saint Mathieu.
détails des peintures murales, admirez les tons.
Le baptême du Christ réalisé a fresco à la fin du XIIème siècle sur un fond de lait de chaux, est une oeuvre magistrale. Le Christ au centre, dans les flots du Jourdain, est baptisé par Jean, tandis que l'ange tend un linge pour l'essuyer, la subtilité des bleus est remarquable, de même que les drapés des vêtements de Saint jean. Le Saint Esprit complète la scène.
L'arbre de Jessé : de Jessé allongé, au magnifique visage empreint de sérénité, s'élève "l'arbre" symbolique aux branches en volutes dans lequel trônent le roi David et la Vierge Marie.
Jessé : Jessé est le père de David. Il est lié à deux types de représentation:
- le songe de Jessé : on voit Jessé entouré de quatre prophètes (Daniel Jacob, Isaïe, Michée) qui lui annonce la venue d'un Sauveur.
- l’arbre de Jessé: de Jessé allongé part la généalogie du Christ, présentée sous forme d'arbres dont les branches portent des rois et des prophètes. Le Christ trône à la cime. La représentation de l'arbre de Jessé avec les personnages reposant sur des calices de fleurs (et non plus directement sur les rameaux) rappelle les sièges des dieux extrême-orientaux.
A gauche, un ange en longue robe brune, ailes déployées et jouant de la vièle à archet, accompagne les élus au paradis.
A droite au niveau supérieur, un grand diable brun, aux yeux globuleux et à ceinture de flammes rouges, pousse les condamnés vers un autre diable à ceinture de flammes jaunes.
Des colonnes rondes aux curieux chapiteaux massifs, à décor de spirales, entrelacs, félins, visage à peine ébauchés, sculptures assez curieuses.
A la voûte du choeur, le Paradis est représenté sous forme de rectangles rouge et jaune, occupés alternativement par des sains et des anges musiciens. En dessous de cette fresque, lavement des pieds par les apôtres.
Saint Christophe et la Vierge allaitante (sujet assez rare).
Nous sommes fascinés par la profusion des peintures murales réalisées à différentes époques qui couvrent la quasi-totalité de la maçonnerie.
D'autres églises nous attendent:
EGLISE SAINT JACQUES DES GUERETS
Cet édifice très simple du XIIe siècle qui dépendait de l’abbaye Saint Georges des Bois a été construit sur la rive gauche du Loir, là où passaient de nombreux pélerins en route vers St Jacques de Compostel.
La façade ouest s’ouvre par un portail en tiers-point surmonté d’un glacis sur modillons, encadré de deux oculi.
L'église est composée d'une nef qui n'a jamais reçu de voûtes.
Elle est actuellement couverte d'un lambris du 16è siècle. Après la nef, on trouve une abside semi-circulaire éclairée par 3 fenêtres en plein cintre.
Le plan de l'église est très simple : un vaisseau unique, couvert d'une charpente.
Les peintures murales des XIIe et XIIIe siècle, ont été découvertes en 1890-1891, la richesse des coloris en fait un des ensembles majeurs de la vallée de la Loir.
L’emploi des lapis-lazuli, comme sur certains sites dans la vallée du Nil en Egypte, seul ou associé à d’autres couleurs, a permis une palette exceptionnelle de bleu, d’émeraude, de vert et de violets mis en valeur par les ocres jaune et rouge. Ces peintures ornent les espaces entre les fenêtres en plein cintre.
Le chœur est percé de deux fenêtres en plein cintre. De part et d'autre de la fenêtre axiale, on trouve, à gauche, la scène de la crucifixion, avec, au registre inférieur, la résurrection des morts. A droite, le Christ, en majesté, dans une mandorle, entouré du tétramorphe. Au registre inférieur, on retrouve la Cène
La crucifixion : le Christ est représenté sur une croix patttée, mi partie émeraude, mi partie noire, ornée de cabochons : la Vierge et Saint Jean se tiennent de part et d'autre ; dans la partie supérieure, la lune et le soleil se volent la face tandis que les nuées envahissent le ciel.
Iconographie sur les peintures murales de l’église de St Jacques de Guéret au sujet de la Crucifixion
La religion chrétienne a, dès ses débuts, intégré dans la liturgie un grand nombre des idoles et références culturelles préexistantes, même si elle en a combattu d’autres, à l’instar de l’ours qu’elle a fini par vaincre.
Le soleil et la lune, imprégnant l’imaginaire de toutes les civilisations, ont été recyclés de diverses manières. La date de naissance du Christ a ainsi été fixée au voisinage du solstice d’hiver qui voit la renaissance du soleil. La vierge Marie, dans l’apocalypse de Jean, apparaît comme une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête (Ap. 12-1).
Dans l’iconographie, le soleil ou la lune, portés par des anges symbolisent régulièrement la résurrection. A Chartres, les deux clochers portent à leur sommet, l’un, au nord, un soleil (le Christ), l’autre au sud, une lune (la Vierge).Je n’avais en revanche jamais vu, jusqu’à présent, le soleil et la lune représentés en tant que personnages, tant cela me semblait relever du polythéisme.
C’est pourtant ce que l’on voit très clairement sur les peintures murales romanes, datées de la fin du XIIe siècle en l’église de saint jacques de guéret
Le registre inférieur de la crucifixion est occupé classiquement par la vierge Marie et l’apôtre Jean (Femme, Voici Ton Fils, Fils Voilà Ta Mère), alors que le registre supérieur présente le soleil et la lune.
Les deux astres font le geste de se voiler la face devant la mort du Christ.
On notera cependant qu’aucune expression extérieure de la douleur n’apparaît dans cette scène, et qu’il s’agit plutôt ici de mettre le sacrifice de Jésus dans une perspective d’espérance de la résurrection et du salut de l’homme. (extrait)Le dolorisme et la représentation du crucifié en tant que cadavre sont plus tardifs.
Survivance des cultes anciens du Soleil et de la Lune ? Dans tous les cas, il s’agit d’une œuvre magnifique.
Les couleurs sont magnifiques, nous sommes sous le charme de ces peintures et fresques, nous arrivons à la fin de cette épopée romane en visitant une autre curiosité.
TROÔ
L'entrée du village. (Trôo serait le pluriel de "Traugo" qui signifie trou en gaulois
Historiquement parlant, Trôo, dont l'importance est grande dès l'époque gauloise, fut une place très disputée à la fin du XIIème siècle, lors des combats qui opposèrent Richard Cœur de Lion à Philippe Auguste. Les vestiges d'une architecture militaire, religieuse et civile en témoignent.
Un seul coup d'œil permet de constater que Trôo s'étage sur 3 niveaux distincts.
En bas, c'est le village bâti dont les plus vieilles constructions appartiennent à l'époque médiévale. Plusieurs édifices d'autrefois sont restés présents.
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La maladrerie Sainte Catherine avec ses vestiges d'arcs romans. Ces importants pans de murs rappellent le temps où l'on y admettait les pèlerins malades qui se rendaient à Saint Martin de Tours et plus tard à Saint Jacques de Compostelle
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L'étage moyen : l'habitat troglodyte. Les constructions qui suivent, de nos jours, les bords du Loir ne parviennent pas à cacher les nombreuses caves qui trouent littéralement la falaise sur sa face sud. La cité est d'ailleurs censée tirer son nom de la prononciation du mot "trou" par les occupants anglais. (nous n’avons pas visité ce village troglodytique, mais à voir une prochaine fois).
Le haut du village : la partie supérieure de Trôo s'appelle le château en souvenir du Louvre et ses restes du donjon. La tradition attribue à Foulques le Jeune, comte d'Anjou, au XIIème siècle, la construction d'un château fort pour remplacer la fortification établie sur la butte. C'est sans doute à l'époque de Philippe Auguste qu'on lui donna ce nom de "Louvre" par analogie avec le château que le roi construisait au bord de la Seine. Il fut démantelé vers 1590, sur ordre d'Henri IV. Une maison d'habitation a été édifiée sur les restes du donjon. Dans le verger, on peut encore distinguer des restes imposants de l'enceinte fortifiée.
L'église de Trôo appelée Collégiale, édifiée vers 1050 est dédiée à Saint Martin. Elle fut reconstruite un siècle plus tard par Geoffroy Plantagenêt, fils de Foulques le Jeune, sur un plan en forme de croix latine.
Cet édifice a traversé la guerre de cent ans, celles de Religion, la Révolution. Aussi, certaines parties ont été restaurées au début du XVIème siècle et remaniées au cours de l'histoire.
De l'époque Plantagenêt, subsistent une partie des murs de la nef et le croisillon nord.
Au XIIème siècle, une tour terminée par une flèche en pierre, dominait le pays environnant. Détruite à une époque inconnue, elle fit place à une autre construite en charpente, brûlée elle-même par la foudre le 25 mars 1737 comme en témoigne une inscription gravée dans la pierre.
Des stalles en chêne du XVème siècle, surmontées de hautes et fines boiseries, meublent le chœur (XIIIème). La Collégiale (siège du collège de chanoines) a fière allure avec sa nef à deux travées voûtées sur arcs d'ogives et son transept aux piliers surmontés de chapiteaux sculptés de personnages et animaux stylisés.
Le mobilier comprend un élégant gable* (*Fronton triangulaire décoratif qui couronne habituellement un portail ou un tombeau, ce qui semble avoir été le cas ici) du XIVème siècle dans la fenêtre nord de l'abside, au dessus d'un saint Martin à cheval, de belles stalles du XVème siècle avec accoudoirs et miséricordes ornés de personnages grotesques* (*Personnages bouffons, caricaturaux, bizarres).
Dans le transept sud, une statue de bois de saint Mamès tenant ses entrailles dans ses mains* (* La statue de Saint-Mamès, réputée pour soigner les maux de ventre, faisait l'objet de pélerinages.), une épitaphe à la mémoire d'un chevecier (doyen du collège) bienfaiteur.
Le transept nord qui ouvrait sur une chapelle ruinée dédiée à Notre-Dame de Pitié, possède la gracieuse statue de Notre-Dame des Marchais.
Derrière la collégiale, un petit chemin qui monte nous emmène en haut de la butte dite « la Grande Motte », autrefois du temps du Moyen Age se trouvait un château fort.
Une vue depuis la bute de terre dite la Grande Motte sur le hameau de Saint-Jacques-des-Guérets.
A quelques pas de la Collégiale se trouve un puits "qui parle". Sa profondeur est d'environ 45 mètres. De tout temps vénéré par les habitants de Trôo qui en sont fiers, il a naturellement ses légendes.
Plus concrètement, il est rond, orné d'une margelle en pierre moulurée semblant dater du XVème siècle et couvert d'un toit à quatre pans. La forme concave de ses parois taillées dans le rocher, fait ressembler son excavation à l'intérieur d'un tonneau. C'est probablement cette forme qui lui permet de restituer un écho aussi remarquable et en fait ainsi sa célébrité.
Et bien voilà notre belle balade s'est terminée, nous sommes encore toutes éblouies de ces magnifiques fresques, un grand merci à Michel, et peut être vous prendrez plaisir à visiter ces lieux, c'était une belle journée, nous regagnons maintenant Tours.
La fée Viviane